Très tôt
Elle a cherché
à plaire
(Puisqu’il était attendu qu’elle plaise et qu’en plaisant, les regards donnent de l’aise)
Petite elle s’en sortait
Parce que tous les petits
Sont beaux, petits
C’est acquis
Mais de peur de lasser
Il fallait s’accentuer
Nourrir l’enthousiasme
A son égard
Tel un phare.
Et derrière sa mise
Déjà elle cherchait
La fierté
Dans les yeux des aînés.
Elle a persévéré
A rêver
De ses idées fixes
A convaincre, à prouver,
A valider, à vérifier qu’elle existe.
La confiance gagnée
Elle a chanté victoire,
Avant l’épreuve du miroir.
Une autruche
Une cruche à peluches
Le charmant minois qu’elle plaçait
Devant le vide de son reflet
Rempli de son estime
S’est vu bien laid
Sorti de son beau film.
Le miroir s’est brisé
Laissant place au désert
Elle a du avaler
Du sable
Et se cacher
Loin des fables
Vidée devant son mur
Sans murmures
Et sans failles
Elle a craché dessus
Elle a cassé ses ongles
Elle a crié sans voix
Elle s’est assise vexée
Du haut de son long cou
Sa tête d’hibou outré
D’une vaine fierté
S’est un peu déplumée.
«Comme j’ai cru
En ma petite misère
Que mon égo centrait
Sur mon front solitaire !»
Répétait-elle en pleurant
Sur son vide écoeurant
«Saisis ton monde
Dompte tous tes élans
Sous une carapace
De temps
Promets
De ne plus rien avouer
De ta nécessité.»
Elle cru perdre le goût
Devenu trop salé
Mais elle l’aiguisa
En voulant le tuer
Elle cru perdre le sens
Lâchant prise à sa prétention
Elle toucha le fond
Sans plus aucune ambition
Et le silence lui plu
Et le mur disparut
Elle nage comme elle peut
Traînant son sac de noeuds
Elle doute comme avant
Normal elle est toute nue
L’eau fait loupe au soleil
Et le brouillard est blanc.
L’inverse l’aurait gâtée
Trop flattée
Elle n’aurait rien creusé
N’aurait jamais plongé.
Le mur a des oreilles
Le désert son secret
Le miroir pose cartes sur table
Et l’océan contient quelques noyés fiables
Sur le dos elle rame
Dans une mer de sérieux
Qui retient encore la terre
De son regard froncé
Qui lui fait boire la tasse.
Sa bouche accroche l’hameçon
Espoir d’atteindre l’île aux dons
D’être un peu moins con.
Rame encore
Hors de ton toi
Déjà tu ne t’entends plus grincer
Et reposé dans l’effort,
Calme
L’île trouvée
T’offrira son sein
Et la joie de commencer enfin,
Quoi ?
Tu le sais bien
A moins que tu n’en saches plus rien ?
Et cela vaudra bien un fromage, sans doute.